Le garçon : Ouais sauf que j’étais pas au courant. (Un temps) Je pliais bien comme il faut mes habits sur un tabouret, j’entrais dans la baignoire et je me cachais sous l’eau savonneuse. J’avais que deux ou trois poils noirs sous le slip et ça m’embêtait qu’une femme les voit.

Puis grand-mère m’annonce que Maï va me frotter le dos, comme c’est la coutume dans son pays, et elle me laisse seul avec elle !

Ça faisait beaucoup de coutumes à découvrir en même temps !

La fille s’est agenouillée et elle a commencé à effleurer mes cheveux de ses doigts agiles.

(Un temps, perdu dans son évocation) C’est très agréable un massage de la tête, les cheveux se hérissent, bougent, deviennent de minuscules doigts de fée qui électrisent. On ferme les yeux, c’est bon, on se laisse aller.

Puis c’est le tour de mon dos et de mes épaules. Je suis bien, elle me sourit, me couve du regard.

L’eau dégouline dans ses mains chaudes, ça me gêne, me trouble dans tous les sens. Elle s’en aperçoit et répond d’un plus large sourire encore, un battement de cils, un geste gracieux, puis elle se met à murmurer une mélodie calme et reposante.

Quand le contact de ses mains douces, parfumées, devient caresse sur mon dos, effleurement de papillon sur mes épaules, je chavire, je sombre dans la baignoire. Le rempart de mousse n’effraie pas les mains délicates qui plongent et pénètrent le cocon.

Pendant que Maï viole ma cachette, ses paupières se ferment et s’ouvrent avec lenteur. Sa respiration est lente, son haleine parfumée, je la sens sur mes cheveux, sur ma joue, chaude. Sa bouche est si proche ! Je vacille, je suis plus troublé que l’eau.

(Un temps)

Il fait chaud dans cette salle de bains, elle ventile son grand sourire et ses joues qui rosissent, puis elle libère quelques boutons de sa robe. Elle fait couler un liquide huileux et doré dans le creux d’une main, la joint à l’autre comme pour une supplique. Lentement elle les masse. Elle me les présente en offrande… Sentir sa peau, inspirer au creux de sa main ouverte, si proche, m’embarrasse. Les étranges yeux noirs me fixent. Sa respiration traverse son sourire, on partage cet air, on se le prend l’un à l’autre. Ses offrandes la désignent pour mon service, ma disposition, mon bon vouloir… Et moi pauvre con j’étais effaré, effarouché !

Hervé NOUVEL

Piéce sélectionnée aux Rencontres Méditerranéennes des Jeunes Ecrivains de Théâtre (Niaca).
Lue en public au Théâtre ALexandre III à Cannes (06) le dimanche 1er octobre 2006.

"L'Oeuf roulant"
Genre : Comédie Dramatique

Extrait 1 Oeuf Roulant

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